Mission divine
Les vêtements maculaient le sol. Systématiquement, ses mains plongeaient dans le compartiment à chaussettes, en sortaient l’une ou l’autre paire, et, s’ouvraient dans le vide abandonnant le tissu dans un bruit sourd et calme.
Mes pieds n’entraient plus en contact avec le carrelage froid depuis longtemps. J’avais d’ailleurs abandonné l’idée de remplir le tiroir. J’observais patiemment. J’attendais que la réserve de munitions se tarisse. Fatiguée, elle s’assit soudainement, sans prévenir. Leva la tête et me dévisagea.
Longtemps, nos yeux restèrent plongés dans ceux de l’autre. Pas de sourire, ni d’étonnement, pas de recherche d’un quelconque sentiment, d’une vaine envie. Nous nous regardions, comme si nous ne nous étions jamais vues. Comme si l’autre n’existait pas.
Le temps, suspendu. La pluie battant aux fenêtres. Le vent fouettant les arbres au loin, les obligeant à plier et s’agenouiller devant son incommensurable puissance. Les branchages s’envolaient, emportant sur leur passage nids et cachettes diverses laissant ainsi au dépourvu oiseaux et musaraignes. Le tonnerre gronda. Et au fond de ses yeux, je découvris la fille de Rhéa et de Saturne. Elle s’éleva devant moi. Grande et magnifique. Sûre d’elle. Et je vis la femme en devenir. Celle qui plus tard, rayonnerait. J’eus le souffle coupé devant tant de beauté et d’assurance.
Alors, enfin, en un instant, le vent retomba et le déluge cessa. Une lueur d’espièglerie traversa son regard avant qu’elle ne se remette à vider consciencieusement les tiroirs à chaussettes, remplissant ainsi sa mission divine.
Et discrètement, je passai ma main sur mes joues pour sécher les traces de cette époustouflante apparition.