Dans ma bulle
Les grondements de la foule retentissent dans la nuit et secouent les tréfonds de mon estomac.
Se concentrer sur moi, me concentrer sur l’excitation qui m’envahit.
Seule parmi la masse qui s’affère autour de l’arène, mon rythme cardiaque doucement, ralentit. L’attente commence à se faire longue, interminable et le brouhaha s’intensifie alors que je respire difficilement. Enclume sur la poitrine, corde autour du cou, l’étau se resserre lorsque, mes pieds à peine au sol, le flot de la masse m’emporte avec lui.
Besoin d’air, besoin d’espace, faire le vide
Le bourdonnement sourd des cordes vocales de la plèbe en attente d’exclamation s’intensifie, quand soudain, enfin, apparaissent les premières explosions. Décharges à même ma peau, celle-ci tremble sous les coups de fouet sonores. Eclats palpables, l’air forme un mur infranchissable pour mes membres paralysés, tétanisés, et mes tympans se déchirent sans que j’y prête une quelconque attention. Mon corps se met à vibrer et transpirer. Les ondes interfèrent avec les pulsations de mon cœur. En décalage complet, je me perds plusieurs fois avant de réussir à me calquer sur les battements des percussions.
Les yeux clos, ma bulle, enfin, apparait, invisible et protectrice.
Transportée ailleurs, la musique me submerge et m’enveloppe tendrement, me murmurant des doux mots dans la tête. Mes yeux se mettent à saigner et je ne perçois plus les mouvements de la foule qui me secoue. Je suis perdue et je ne comprends qu’à retardement les regards amis qui s’éloignent de la fosse. Et, alors que les basses qui résonnent emprisonnent mes pieds, mon corps se fige totalement, hagarde. La scène s’illumine au rythme de la mélodie et les notes scintillent sous mes paupières, plein jour les yeux fermés au beau milieu de la nuit, assaillant mon cerveau de son son strident et envoutant.
Hors du temps, seule dans une vaste plaine déserte, je tournoie et virevolte dans un océan de bien-être
Le dernier vrombissement et les acclamations tourbillonnent dans ma tête lorsque, essoufflée, à genoux, j’observe ma bulle se dissoudre sous les bousculades du public qui se disperse. Soulagée, enfin.