Garanti sans hallucinogène
Il ne vous est jamais arrivé de vous sentir déconnecté de la réalité ?
Personnellement, ma vie fait que je me retrouve souvent sur les routes.
Et il fut un temps où je percevais ça comme une perte de temps brute.
Pourtant, depuis quelques semaines, le pilote automatique s’est enclenché.
J’inspire profondément.
Préoccupée, mon esprit tourne à 100 à l’heure mais, petit à petit, et sans que je m’en rende compte, mon inconscient dérive. Bien que mise à fond, la musique doucement s’estompe pour ne laisser qu’une impression de rythme et de basses. Les pensées stressantes font alors place au vide intégral. Pas vraiment ailleurs, mais plus vraiment dans le véhicule.
Juste un sentiment de flottaison, le corps n’existe plus. Je me surprends parfois d’ailleurs à penser que si là, à l’instant, je voulais bouger le bras, je n’y arriverai pas car il ne m’appartient pas réellement, il ne fait que partie du décor.
Les images défilent, les détails disparaissent. Reste la route, fil conducteur de ma douce rêverie, de mon plongeon dans un monde impalpable et cotonneux.
Alors que mes mouvements me semblent insurmontables et irréels comme ralentis par de l’air aussi dense qu’un liquide gélatineux, l’intérieur de l’habitacle est comme propulsé hors du temps et contraste avec le monde extérieur qui, lui, ne fait que prendre de la vitesse.
Doucement, le rythme du défilement des pilonnes électrique se calque sur celui de la musique et celle-ci reprend de l’ampleur. Alors que je me sens transposée dans un clip de Michel Gondry, je ressens chaque pulsation dans le creux de mon ventre. Ma respiration s’accélère et mon corps s’échauffe soudainement. A tout moment, je m’attends à sentir couler du sang de mes oreilles et me mettre à convulser sans que cette perspective ne paraisse effrayante. La musique explose dans ma tête.
Sans m’en rendre compte tout de suite, je me mets à crier, scander cette mélodie qui martèle ma tête. Je soutiens ma colonne d’air et je me sens me vider de l’intérieur. Toute force, toute angoisse semble s’évaporer et doucement je reprends conscience de mon corps.
Et alors que mon lieu de destination approche à grands pas, j’émerge à nouveau.
Le moteur s’arrête. Machinalement, je respire et ouvre la portière. Mon pied touche le sol et je m’attends à tout moment à sentir le sol froid et poussiéreux, des graviers incrustés sur mon visage. Pourtant, surprenant constat, mon corps me porte et soudain, le monde redevient réel.
Et j’expire enfin.
Que le temps passe vite quand on s’amuse !