Ce que je suis
J’aurai adoré pourvoir le faire. Je ne sais pas vous dire pourquoi, mais j’admire ces femmes qui brillent de mille feux lorsque leurs cordes vocales vibrent et s’effritent. Un léger agacement dans les yeux, une veine sur la tempe qui se fait remarquer plus qu’à l’accoutumée, et la verve lexicale qui explose. Artifices et sourires aux oubliettes alors que volent les affaires par la fenêtre. Flammes glacées dans le regard lorsque le vase rencontre le mur à quelques centimètres de la cible chanceuse. Tant de beauté et de féminité qui s’expose et s’impose ; tant de revendications de soleil et de sable chaud qui jaillit de la chevelure ; frustrations expulsées, retenue refoulée.
J’aurai adoré pouvoir être une de ces femmes au sang chaud et au tempérament de feu. Briser du cristal et de la porcelaine familiale, déchirer et arracher chemises et cachemires, bruler photos et souvenirs. Regretter vaguement, baisser les yeux espiègles et les relever avec une lueur de défi, s’excuser de ses doigts promeneurs et prometteurs et se faire pardonner passionnément alors que l’adversaire s’était promis de ne jamais plus céder.
J’aurai adoré pouvoir être de ces belligérantes sans compassion qui se repaissent du sang de leurs contradicteurs. Ni culpabilité, ni impression de responsabilité. Pas de projection quant aux sentiments de leurs opposants. Un but qui piétine l’éthique au nom de l’orgueil et des valeurs. La bataille égoïste et sans faille, satisfaites seulement lorsqu’elles constatent l’état moribond de leurs rivaux et refusent la grâce suppliée et sanglotée.
J’aurai adoré être de ces femmes qui s’expriment et s’affirment. Mais mes fantasmes dépassent difficilement ma barrière méningée. Le cerveau qui vrombit alors que les traits ne frémissent. Les entrailles qui se liquéfient alors que le sourire reste accroché. L’âme qui saigne et qui s’effondre alors que l’enveloppe se redresse et fait face.
Parce que je ne suis pas de celles là, parce que je suis moi. Parce que je suis une femme du Nord dont la tête est froide malgré le cœur qui bout.