Twins

Publié le par Mrs D.

Désert à perte de vue, pompe à essence désaffectée au loin pour seul repère, le soleil tapait sur mes épaules nues, collantes de poussière et de sueur. Absence de nuage et bourrasque d’air chaud sur le visage, le sable grinçait et craquait sous mes dents alors que je tentais en vain de le recracher.

Les heures interminables de solitude s’égrenaient sans que je puisse les comptabiliser, mais je savais que bientôt, je pourrai mesurer mon errance en nombre de jours. J’ignorais combien de temps je tiendrai, seule, sans eau, dans cette chaleur diurne contrastant avec le froid polaire nocturne.


Je m’interrogeais encore sur les raisons qui m’avaient poussée à partir vers ces contrées inconnues. Je ne savais d’ailleurs pas comment je m’étais retrouvée ici, perdue au milieu de nulle part, sans but précis, à mille lieues des routes, avec pour seule compagnie mon ombre dont la surface rétrécissait dangereusement alors que le soleil approchant du zénith me promettait de prochaines heures douloureuses. Trainant lentement mes pieds dans le sable léger et fin qui glissait sur ma peau à chaque fois que je les soulevais pour avancer, j’approchais enfin de la vieille station abandonnée. A la vue d’un coin ombragé j’accélérais la cadence. Enfin du répit,  enfin peut-être un début de solution qui se profilait. J’espérais, si pas âme qui vive, ce serait trop invraisemblable, au moins un moyen de communication.


Les vitres ternies de ce qui fut autrefois un magasin de dépannage étaient fissurées et la porte était bloquée par une chaise placée de l’autre coté. A travers le verre brouillé, j’aperçus une ombre immobile qui semblait attendre l’hypothétique voyageuse que j’étais. En vain, je tentais d’attirer son attention, mais mes cris n’avaient pour conséquence que d’écorcher mes cordes vocales. Prise de panique face à l’absence de réaction de l’individu à l’intérieur, je fracturais la porte et fis basculer la chaise couverte de poussière.


A l’intérieur, tout n’était que poussière et alors que j’approchais de la personne en face de moi, je ravalai mes paroles. De toute évidence, je n’aurais jamais de réponse à toutes mes interrogations. La fille qui aurait pu éclairer mes pensées s’était éteinte depuis quelques temps déjà. Elle était là, appuyée contre le mur, séchée et recroquevillée sur elle-même, tenant entre ses mains transformées en serres un morceau de papier plié en quatre. Après quelques secondes d’hésitation, je lui pris délicatement la missive et me fis indiscrète.

Au fur et à mesure de ma lecture, des larmes ruisselèrent sur mes joues et mes espoirs séchèrent de la même manière que le cœur de ma comparse quelques mois auparavant.  Et alors qu’enfin je comprenais l’horreur de ma situation et le caractère inaltérable de ma destinée, je m’installais aux coté de ma jumelle, fermant les yeux et priant en silence que mon bourreau arrive rapidement.

 


 

* Pour une petite présentation des procédés de momification, c’est .

 

 

 

Publié dans Le cabinet du psy

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M
<br /> Moi l'ambiance de ce texte me replonge irrémédiablement vers le film Bagdad Café que j'ai revu récemment. Est-ce qu'il t'a inspiré aussi?<br /> <br /> <br />
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M
<br /> J'ai bien aimé ce film, mais ça fait longtemps que je l'ai vu et j'avoue que je n'y avais pas pensé<br /> <br /> <br />
T
...
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W
Salut Fille de prof.... Ouh ça fout les jetons ton texte... Très belle plume.A te relire.
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T
La décrêpitude d'un jumeau prend aussi son essence dans ce qu'on la laisse s'épanouir.
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M
<br /> Ce que tu parles bien! ...<br /> <br /> <br />
R
La curiosité étant un vilain défaut (si si) je crains que ton bourreau arrive assez vite..Bises quand même...
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M
<br /> Je suis comme ça , je peux pas m'empêcher, alors que je sais que je vais le regrtter...<br /> <br /> <br />